Est-ce que vous voulez apprendre de nouvelles informations sur les thématiques étudiées par un microbiologiste cellulaire ? Rejoignez-moi dans un voyage incroyable où nous explorerons le monde fantastique et microscopique de l’envahissement cellulaire par des pathogènes, et le comparerons au palpitant concept de l’invasion du monde par des aliens !

Quand quelqu’un de non-scientifique me demande quel est mon travail, ma réponse typique est quelque chose de très basique comme : « Je suis chercheuse en biologie ». Ensuite, s’ils veulent avoir plus d’informations, je réponds : « J’étudie comment les bactéries infectent notre intestin en utilisant la microscopie ». En d’autres termes, je peux me définir comme une microbiologiste cellulaire ! Problème : quand j’utilise cette terminologie, la majorité des gens me regardent avec des yeux écarquillés et ne comprennent pas ce que je fais.
Les microbiologistes cellulaires sont des scientifiques qui étudient comment des êtres vivants microscopiques, appelés microbes, envahissent et subvertissent les cellules des organismes plus complexes, comme les humains. Ces types d’études sont particulièrement importants parce qu’ils permettent de comprendre comment le processus d’infection se déroule, en aidant au développement de nouvelles approches thérapeutiques pour combattre les maladies infectieuses. Les microbiologistes cellulaires peuvent aussi explorer les fonctions des cellules humaines, permettant de mieux comprendre et combattre d’autres maladies, comme les neuropathologies (maladies du système cérébral) ou le cancer.
En tant que grande fan de fictions scientifiques, j’aime expliquer la microbiologie cellulaire en utilisant une métaphore, celle de l’invasion alien, où eux représentent les microbes et le monde, avec ses pays constituants, représente le corps humain constitué de nombreuses cellules différentes. Mon travail, c’est celui d’étudier les stratégies utilisées par les aliens pour envahir le monde. Comme les pays ont des frontières définies, les cellules humaines ont aussi une membrane plasmique qui maintient au-dehors des organismes dangereux qui pourraient les endommager. Cependant, si ces intrus ne sont pas reconnus à la frontière, ils peuvent envahir les cellules et utiliser leurs ressources pour leur bénéfice. Quand la cellule reconnaît cet ennemi, elle peut le combattre de l’intérieur, en encapsulant les microbes envahisseurs et en créant un environnement toxique pour les détruire. Parfois, ces ennemis peuvent être difficiles à combattre, mais comme un pays assiégé peut compter sur ses alliés pour de l’aide, les cellules immunitaires peuvent être convoquées pour aider nos cellules infectées à lutter contre les microbes. Voici ma vision de la microbiologie et la raison pour laquelle je pense que mon travail est si excitant ! Ainsi, j’ai interviewé quatre experts en microbiologie cellulaire pour partager avec nous leur vision du domaine : Dr Pascale Cossart, Dr Olivier Neyrolles, Dr Alice Lebreton et Dr Guillaume Duménil. Je leur ai posé différentes questions sur le rôle d’un microbiologiste cellulaire et leur longue expérience dans la recherche.
Qui est un microbiologiste cellulaire?
Tous les biologistes interviewés ont expliqué qu’un microbiologiste cellulaire est intéressé par le dialogue entre les microbes et les cellules. Le Dr Cossart a poursuivi en disant qu’étudier comment un microbe infecte son hôte « peut aider à mieux comprendre comment les cellules eucaryotes se comportent ». Toutefois, il vaut la peine de se rappeler que les interactions entre les microbes et les autres cellules vont au-delà de l’infection et englobent une gamme de relations hôte-microbe, comme expliqué par le Dr Neyrolles : « L’interaction peut être plus ou moins bénéfique pour l’un ou l’autre. Elle peut être une symbiose (bénéfique pour tous les deux), purement pathogénique (où le microbe cause une maladie dans l’hôte)... ou quelque chose au milieu ».
Comment peut-on étudier la microbiologie cellulaire?
Toutes les personnes interviewées étaient d’accord sur l’importance d’utiliser des approches multidisciplinaires, en combinant différentes techniques modernes pour traiter de façon complète leurs questions de recherche. Ces approches incluent la microscopie des microbes, soit vivants, soit fixés dans le temps, permettant de visualiser l’interaction entre la bactérie et la cellule.Un autre groupe fondamental des techniques utilisées par les microbiologistes, y compris les Drs Lebreton et Neyrolles, est appelé « approches omiques ». Cela inclut la caractérisation collective des molécules biologiques à la base de la vie, comme l’ADN, les protéines, les lipides et les glucides, qui sont responsables de la structure, du fonctionnement et de la dynamique d’un organisme. Comme le Dr Neyrolles l’a expliqué, ces approches globales « sont utiles pour découvrir des choses complètement inconnues ». Il a décrit comment son laboratoire a profité de ces techniques pour identifier « un nouveau mécanisme d’immunité innée grâce à l’intoxication bactérienne par les métaux ».
Pensez-vous que les microbiologistes cellulaires ont besoin de qualités spéciales?
Pour le Dr Duménil, il est essentiel d’apprécier la dimension multidisciplinaire de la biologie cellulaire, de la microbiologie et de la santé médicale : « Souviens-toi de cette perspective globale, c’est ce qui rend le domaine intéressant ». Cet accent mis sur la curiosité ouverte et la polyvalence a été repris par d’autres chercheurs, le Dr Lebreton commentant que « selon la question, on doit changer une technique pour une autre et adopter de nouvelles approches ».
Quelle est la partie la plus amusante de votre travail?
Un mot a été répété plusieurs fois en répondant à cette question : « la découverte ». Aussi révolutionnaires que soient ces découvertes, apporter de nouveaux savoirs dans le domaine est clairement l’un des objectifs qui excite le plus les chercheurs avec qui j’ai parlé. Le Dr Lebreton a ajouté qu’une partie charmante de son travail est l’interaction avec les étudiants et de les voir se développer.
Avez-vous des anecdotes à partager avec nous?
Quand des scientifiques publient un article, ils choisissent un journal avec un niveau spécifique de prestige dans leur domaine, en fonction de combien ils jugent nouvelle la percée de leur recherche. Après cela, l’article passe par un processus d’évaluation par les pairs (peer review), pour assurer la véracité et la qualité du contenu. Le Dr Neyrolles a partagé une anecdote sur ce processus, en disant : « Un de nos articles a été accepté par Cell Host & Microbe en quelques semaines sans révisions majeures. Après, à une conférence EMBO, un collègue a complimenté le travail en l’appelant une très belle histoire et il nous a demandé si nous avions considéré la soumission de l’article à Cell. Nous ne l’avions pas considéré. Mon conseil : rêve toujours en grand et vise haut ».Le Dr Duménil a raconté sa première présentation à une conférence : « Mon premier congrès a eu lieu à l’Institut Pasteur, à l’auditorium du CIS. Un fameux microbiologiste cellulaire était présent, et j’ai eu la chance de lui présenter un poster de mon travail de doctorat. Je lui ai dit que j’étais surpris parce que mes résultats ne montraient pas ce qui avait été publié auparavant. Il m’a répondu : "Tiens bon." Quand on commence, nous doutons souvent de nos résultats, mais il m’a encouragé à croire en eux. On doit avoir confiance dans nos résultats ».
Qu’est-ce que vous recommandez ou conseillez à de jeunes microbiologistes cellulaires?
Les réponses à cette question étaient différentes et toutes judicieuses. Le Dr Cossart a commenté : « Soyez sur vos gardes ! ». Pour elle, il est vraiment important de rester concentrée sur son propre projet, de lire des articles scientifiques, de participer à des séminaires et à des conférences, et de ne pas changer de projet sauf si absolument nécessaire. Le Dr Neyrolles recommande d’être également fort en microbiologie et en biologie cellulaire.Le Dr Lebreton encourage les étudiants à écrire leur carnet de laboratoire (un carnet reportant toutes les manipulations effectuées) chaque soir. Similairement à la suggestion du Dr Neyrolles, elle recommande aussi de rencontrer des personnes dans le domaine de la microbiologie et de la biologie cellulaire. Le Dr Duménil a commenté : « Gardez à l’esprit la perspective globale ». Quand on reste à l’échelle cellulaire, on peut oublier l’organisme entier et faire de mauvaises interprétations. C’est la difficulté de la microbiologie cellulaire, qui présente de multiples échelles.
Qu’est-ce que vous seriez si vous n’étiez pas des microbiologistes cellulaires?
La majorité resterait des scientifiques, mais dans différents domaines. Le Dr Cossart, si elle ne pouvait pas faire de recherches en microbiologie sous toutes ses formes, aurait étudié la chimie. Le Dr Neyrolles aurait cherché à devenir soit neurologue, soit médecin généraliste à la campagne. Le Dr Lebreton aurait été intéressée par différentes professions scientifiques comme la géologie, la paléontologie, la chimie, la génétique de la levure ou les études sur l’ARN. Cependant, en dehors de ces efforts scientifiques, elle aurait pu se voir comme boulangère ou journaliste scientifique. En fait, le Dr Lebreton a réussi, de différentes manières, à réaliser cette possibilité finale pendant sa carrière actuelle, en écrivant une colonne scientifique régulière pour le journal français Le Monde. Le Dr Duménil croit qu’il aurait été biochimiste, biologiste structural ou journaliste.
Pourquoi la microbiologie cellulaire est-elle un domaine important?
La microbiologie cellulaire représente le cœur du processus d’infection. Elle est aussi une gigantesque source d’information pour mieux comprendre la cellule, le microbe et les organes, expliqua le Dr Duménil. Le Dr Lebreton a ajouté : « La microbiologie cellulaire est une manière de trouver des cibles thérapeutiques… on puise dans les cellules pour révéler leurs mécanismes d’adaptation à de nouvelles conditions ».
Voulez-vous partager avec nous quelque chose en plus?
« Aller vers l’inconnu », Dr Cossart.
Conclusion
Maintenant que vous en savez beaucoup plus sur ce qu’est un microbiologiste cellulaire et ce qu’il fait, j’espère que vous pouvez apprécier à quel point ce domaine est fascinant. Les microbes subvertissent les cellules hôtes de manières incroyables, qui sont vraiment amusantes à découvrir. Même si on s’attend à soutenir la victoire de nos héroïques cellules-hôtes, les microbiologistes cellulaires sont souvent étonnés par les capacités des microbes ennemis.
Cette article a été révisé par Elena Capuzzo et Tom Cumming. Traduit de l'anglais par Nicole Bertola
Rencontrez l'auteur: Nora Mellouk
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