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Oeuvre d'Alba Llach Pou

Franchir les limites, changer les paradigmes : La montée en puissance des robots biomécaniques

Paul Ross

Cet article suit l’essor d’une nouvelle génération de robots, de forme et fonction révolutionnaires, marquée par la synthèse de composants biologiques et mécaniques. 

 

Pouvoir faire face aux nouveaux défis liés au développement de ces robots biomécaniques et notre propre capacité à atteindre leur plein potentiel dépendent autant de l’invention de nouvelles technologies que de la création d’un nouveau vocabulaire pour les décrire.


Illustré par Sina Sommer
Illustré par Sina Sommer

Introduction

Nous vivons dans une ère où les domaines, une fois clairement séparés, ont été éclipsés par des écosystèmes « dépassant les limites et transgressant les catégories », selon la définition du botaniste britannique Merlin Sheldrake. Un exemple de ces « écosystèmes » définis par Sheldrake : une cohorte de robots intégrant à la fois des composants biologiques et mécaniques.

 

Un robot de biodétection, fabriqué à partir d’éléments organiques et inorganiques, développé par des chercheurs à l’Université de Carnegie Mellon et l’Université de South California aux Etats-Unis, capable de détecter des produits chimiques dans l’environnement, ainsi qu’un robot sensible aux réseaux, conçu par les étudiants en 2022 dans l’équipe d’iGEM Bettencourt à Paris, pouvant établir un lien entre des colonies de bactéries et l’Internet sont deux exemples concrets du concept d’écosystèmes capables de transgresser la catégorisation traditionnelle. Ceux-ci représentent aussi la phase la plus récente dans l’évolution des solutions qui incorporent des composants d’origine biologique et dispositifs mécaniques. 


L’Histoire et l'évolution

« Biométrique », « bio-inspiré » et « d’origine biologique » sont des termes utilisés par les scientifiques, philosophes et experts médicaux pour décrire comment ces solutions ont rapproché la robotique aux systèmes biologiques avec laquelle elle interagit. Ces termes servent à décrire une variété de formes et fonctions : du pacemaker qui recouvre le cœur pour réguler son rythme jusqu’aux prothèses qui peuvent approximer la forme et la fonction des membres qu’ils remplacent.

 

Dans la mesure où ils intègrent des systèmes biologiques et outils mécaniques, les robots capables de bio-détection ou sensibles au réseau sont des héritiers de ces appareils médicaux, et sont bien positionnés pour l'expansion dans ce domaine. Cependant, ils sont différents de leurs ancêtres :

1.  Le niveau d’intégration des éléments biologiques et mécaniques : ils ne chevauchent pas la limite entre les deux domaines, ils la dessoudent.

2.  L’utilisation des matériaux : ils peuvent imiter, ou, dans certains cas, même remplacer des composants fréquemment utilisés à base de polymères avec des composants biologiques.

3.  La portée de leur application : d’un focus exclusif sur le corps humain (pacemakers, prothèses, etc.) aux utilisations industrielles plus larges.

Pour en arriver à ces améliorations de design, fabrication et portée, les scientifiques qui développent ces robots profitent des dernières avancées de la biologie synthétique, un domaine où les chercheurs et chercheuses appliquent des principes de l’ingénierie pour refaire les organismes biologiques, et du « soft robotics ». Le « soft robotics » est un domaine qui a pour but de produire des robots plus sensibles en utilisant des matériaux nouveaux, sensibles aux plus petits changements de pression et assez pliables pour répondre à ces changements.


Les éléments constitutifs

Peu importe leur fonction et la portée de leur application, les technologies telle que le bio-détection et les robots sensibles au réseau sont faits avec les éléments de construction  communs : des actionneurs qui transforment l’énergie en force capable de faire bouger les composants mécaniques, des capteurs qui détectent les changements dans l’environnement et transmettent cette information à un récepteur capable d’agir sur celle-ci, et des transformateurs qui servent d’intermédiaires entre des systèmes qui seraient autrement incompatibles.

L’utilisation d’actionneurs, capteurs et transformateurs n’est en aucun cas exclusif à la bio-détection ou aux robots sensibles au réseau. Ces éléments sont intégraux pour quasiment tous les systèmes de commande automatisés. Ce qui rend ces robots biomécaniques uniques n’est pas l’utilisation de ces composants, mais plutôt la manière dont ils sont utilisés. La nouveauté de cette application est d’autant plus apparente dans la mise en œuvre de leurs capteurs et transformateurs.  

Les robots de bio-détection et ceux sensibles au réseau sont différents des capteurs traditionnels fabriqués de matériaux synthétiques. Ils sont conçus à base de matériaux biologiques formés à partir de colonies bactériennes spécialement conçues pour émettre un signal chimique d’une manière systématique et contrôlable lorsqu’un changement est détecté dans leur environnement. « Nous nous sommes inspirés de la capacité innée des bactéries à générer une réponse aux changements dans leur environnement, et nous avons ensuite réfléchi à comment nous pourrions utiliser cela comme un programme de signalisation », explique Kyle Justus, doctorant dans le département de l’ingénierie mécanique à l’Université de Carnegie Mellon et chercheur principal de l’équipe de développement des robots de bio-détection. Pour faciliter la communication entre les capteurs bactériens et les systèmes électroniques, l’équipe a mis en place un module d’interface qui utilise un phototransistor monté sur une carte de circuit imprimé. Ce transistor est capable de reconnaître les signaux fluorescents émis par les protéines exprimées par les bactéries quand elles rencontrent des changements dans leur environnement. Ces signaux chimiques sont ensuite convertis en signaux électriques que les appareils mécaniques peuvent reconnaître et auxquels ils peuvent répondre.


Les difficultés

Le développement de ces composants et leur mise en œuvre est une chose, mais leur fonctionnement en est une autre. « Au début, nous n’étions pas capables de détecter le signal généré par les bactéries », se souvient le Dr. Cheemeng Tan, professeur dans le département d’ingénierie biomédicale à l’Université de Californie/Davis et conseiller en recherche sur les robots de bio-détection. Ceci souligne les difficultés souvent rencontrées par les chercheurs et chercheuses essayant d’intégrer des composants mécaniques et des systèmes biologiques plus complexes. Plus largement, ces obstacles à l’intégration des systèmes  ne représentent qu’une partie des défis souvent interdépendants auxquels doivent faire face les développeurs et développeuses de robots biomécaniques.  

L’équipe des robots de bio-détection a fini par réussir à amplifier le signal émis par le capteur bactérien en éliminant le « bruit de fond » qui était un résultat non-désiré de la méthode utilisée par les scientifiques pour obtenir une réponse de la colonie bactérienne. Malgré ces réussites il existait toujours plusieurs difficultés, du fait de travailler dans un environnement vivant et complexe, qui n’étaient pas encore résolues, un exemple étant la croissance constante des bactéries. Ce n’était pas une tâche triviale étant donné la sensibilité des bactéries aux conditions environnementales. La température ambiante, par exemple, doit être strictement maintenue pour des résultats optimaux, ce qui dépend de l’espèce ou de la souche bactérienne.

Supposant qu’un produit pareil peut être conçu, il faudra préalablement avoir obtenu une approbation réglementaire afin d’incorporer des bactéries dans le produit final. Afin de pouvoir proposer cette technologie aux consommateurs, les garanties de biosécurité seront de grande importance. La réussite de cette nouvelle génération de robots dépendra de solutions pour faire face aux obstacles – à la fois scientifique et réglementaire. Ceci demande une compréhension approfondie de l’interaction entre hardware, wetware (le corollaire biologique du hardware), et software, ainsi qu’un esprit créatif et innovant. 


Conclusion : perspectives

Malgré leur nombre et leur complexité, les difficultés soulignées n’ont pas éteint l’enthousiasme des ingénieurs de systèmes, biologistes moléculaires et designers qui sont engagés dans le développement de ces robots. Les progrès déjà accomplis sont encourageants et leur ont permis de réfléchir d'une manière plus large pour le futur. Ce futur, tel qu’ils l’imaginent, sera défini par les réseaux plus larges avec les connexions denses soutenant l’intégration des systèmes biologiques et mécaniques. Tout ceci constituera le socle sur lequel sera construit des applications respectueuses de l’environnement qui ne sacrifient ni efficacité ni productivité.

Il est souvent admis que la réalisation de cette vision du futur et l’exploitation du potentielle de ces systèmes biomécaniques dépendent de la capacité innovatrice des chercheurs et chercheuses travaillant à l’intersection de la biologie synthétique et de la « soft robotics » pour dépasser les limites actuelles de la science. Pourtant, Sheldrake suggère que ce ne serait pas l’invention de nouvelles technologies elle-même qui poserait le plus gros problème, mais plutôt l'invention d’un nouveau vocabulaire pour décrire ces systèmes. Bien que les robots décrits dans cet article ne soient qu’en phase de développement, ils sont néanmoins des exemples concrets du futur que promet la biomécanique. Ils sont la preuve, qu’avec les modifications technologique et linguistique nécessaires, les obstacles déjà connus et ceux à venir peuvent être surmontés.


 

Références


  1. Justus, Kyle B., et al. "A biosensing soft robot: Autonomous parsing of chemical signals through integrated organic and inorganic interfaces." Science Robotics 4.31 (2019): eaax0765. DOI: 10.1126/scirobotics.aax0765

  2. Sheldrake, Merlin. Entangled life: How fungi make our worlds, change our minds & shape our futures. Random House Trade Paperbacks, 2021.

  3. iGEM Paris Bettencourt. "Paris Bettencourt 2022." iGEM Wiki, 2022, https://2022.igem.wiki/paris-bettencourt/.

  4. Softbotics." Carnegie Mellon University Engineering, 2024, https://engineering.cmu.edu/softbotics/index.html


    Cette article a été traduit de l'anglais par Kodie Noy et Claire Lavergne

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